Tuesday, December 8, 2009

LAOS L’auberge laotienne


Chaque année, des étudiants venus d’une vingtaine de pays se rendent à Vientiane pour y étudier les lettres à l’université। Celle-ci permet à une demi-douzaine de Cambodgiens, bénéficiaires de bourses, d'effectuer un cursus de six ans avec l’espoir de le monnayer à leur retour au pays।

Il est 10 h 30, dans une salle de classe de l’Université nationale du Laos, à Vientiane. Le professeur fait l’appel. Un à un, il appelle les étudiants. Chacun leur tour, à l’énoncé de leur nom, ils se rendent devant le bureau de l’enseignant pour réciter le poème donné en devoir lors du dernier cours. Pendant ce temps, les autres relisent tranquillement leur leçon, assis à leur place. Ils sont une vingtaine, venus de différents pays comme le Cambodge, le Viêtnam, le Japon ou la Corée du Sud, pour étudier la littérature laotienne.

Un livre de cours à la main, Suon Socheat, 19 ans, fait partie des six étudiants cambodgiens à avoir réussi l’examen de sélection l’année dernière। Originaire du district de Rom Duol, dans la province de Svay Rieng, Socheat rêvait de pouvoir étudier à l’université। À défaut d’avoir pu passer le concours pour obtenir une bourse du gouvernement, elle est tout de même envoyée par ses parents à l’Université royale de Phnom Penh, où elle étudie la biologie। Ils lui octroient en tout et pour tout 400 dollars avec lesquels elle doit se débrouiller toute une année। Finalement, Suon Socheat obtient une bourse universitaire de la part du gouvernement laotien। «Je suis très contente, car je suis la seule fille parmi six autres étudiants cambodgiens à avoir reçu cette bourse. Ainsi, mes parents pourront payer les études de mes deux frères», s’enthousiasme la jeune fille. Poursuivre ses études à l’étranger est un rêve que caressent de nombreux étudiants dans le royaume. Pourtant, au départ, elle souhaitait juste obtenir une bourse, sans imaginer devoir quitter son pays. Le cursus de lettres au Laos s’étend sur cinq années, contre seulement quatre au Cambodge. «Avant, je n’avais jamais réfléchi à la question de la durée, je voulais seulement déposer ma candidature. Lorsque l’on m’a appris que j’étais reçue, un fonctionnaire du ministère de l’Éducation m’a précisé que cela allait durer cinq ans. J’ai hésité, mais on m’a dit d’y aller. J’ai eu une autre surprise en arrivant au Laos, car les étudiants étrangers doivent effectuer une année en classe préparatoire, avant d’entrer en première année. Au total, je vais passer six années ici. Les premiers jours, j’ai beaucoup pleuré car je n’avais pas l’habitude de vivre toute seule», explique Suon Socheat. L’avenir est flou pour ces étudiants expatriés ? La question est de savoir ce qu’ils vont faire une fois rentrés au pays. Socheat se verrait bien professeur, elle en rêve depuis son enfance. Des diplômes reconnus au Cambodge ? À 30 ans, Lek Chumnor est professeur, mais il préfèrerait un avenir différent. Aujourd’hui, il est en cinquième année de lettres à Vientiane. Son poste dans une classe du district de Remeas Hèk, dans la province de Svay Rieng, ne lui donnait plus satisfaction. Alors il a décidé de reprendre ses études. Il aurait préféré les mathématiques, mais il ne se sentait pas au niveau. Chumnor s’est donc rabattu sur la littérature, pour bénéficier d’une bourse. «Je voulais participer à ce concours depuis la première promotion, mais j’étais encore titulaire au ministère de l’Éducation. J’ai dû attendre trois ans pour déposer mon dossier de candidature», déclare Chumnor. Comme Socheat, ses parents, modestes, n’ont pas pu lui payer ses études à Phnom Penh. Une fois en poste, son salaire de professeur dans un collège lui permet tout juste de faire vivre sa famille. Il regrette que le gouvernement n’aide pas les enseignants qui souhaitent poursuivre des études, en continuant à leur verser leur salaire par exemple. «Le travail de professeur en province est épuisant. Je veux étudier plus pour gagner plus», résume-t-il. En attendant, le ministère continue de verser la moitié de son salaire à sa mère. Son principal souci est de savoir si sa licence obtenue au Laos sera validée au Cambodge, dans l’hypothèse où il reviendrait y enseigner. Il espère au moins que le gouvernement lui accordera un nouveau titre. Loin d’avoir la belle vie dans un pays étranger, les étudiants khmers aimeraient avoir un petit coup de pouce de la part des autorités cambodgiennes. Le gouvernement laotien leur verse chaque mois 100 dollars. Auxquels s’ajoutent 10 dollars de la part des autorités cambodgiennes. Une somme que les étudiants jugent insuffisante. À titre de comparaison, leurs camarades vietnamiens touchent 70 dollars par mois de la part de leur ambassade au Laos. D’autant que le gouvernement vietnamien a décidé de réévaluer cette aide financière, en raison de la crise financière et de l’inflation qu’elle a engendrée. Les étudiants cambodgiens sont pauvres mais excellents Tan Pheary, 30 ans, n’a pas remis les pieds au Cambodge depuis trois ans. Au cours de sa première année à l’université, il est revenu plusieurs fois chez lui. Pheary étudie l’anglais, en plus des lettres. Il est obligé d’économiser sur tout pour payer ses cours de langue. «Lorsque j’étais au Cambodge, je voulais partir à l’étranger pour changer de vie et obtenir un diplôme. J’ai changé d’avis en arrivant au Laos. La vie est plus difficile que ce que j’imaginais et surtout ma famille me manque. Je dois me débrouiller seul», se plaint l’étudiant. Il poursuit en expliquant qu’avant les soins médicaux étaient facilement accessibles pour les étudiants. Ce n’est plus le cas. Ils doivent à présent se rendre dans un dispensaire. «Le centre est loin de notre internat, je n’ai pas toujours la possibilité d’y aller car quand je tombe malade je ne peux pas attendre, car cela me fait perdre du temps pour mes études. J’achète donc mes médicaments moimême », concède-t-il. En dépit du manque de moyens financiers, il semble que les Cambodgiens figurent parmi les meilleurs de leur classe. Preap Phorn, 32 ans, président de l’Association des étudiants khmers de l’Université nationale du Laos, a récemment sollicité un geste de la part du gouvernement laotien, en vue d’obtenir du matériel scolaire et une connexion à Internet. Aucune réponse ne lui a été fournie à ce jour.

À Vientiane

Kang Kallyann




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